Être fort n’interdit pas d’aller mal

Être fort et aller mal – quand tout tourne en boucle, l’énergie s’épuise.
Être fort et aller mal : le burn out; l’état du chef d’entreprise.
Être fort n’est pas s’interdire de craquer mais au contraire s’y autoriser sans culpabilité.
Je ne parle pas souvent de moi et encore moins quand ça ne va pas.
Alors, certains diront « tu as les outils pour continuer à aller bien ».
Oui mais non, être forte n’est pas incompatible avec aller mal, de temps à autre. Oui je l’affirme on peut être fort et aller mal voire très mal
Je suis une maman et une femme avant d’être accompagnante. Je revendique le droit d’aller mal, pour des raisons perso (un décès en octobre qui m’a profondément affectée et la détresse de mes enfants au retour de l’école un soir de novembre).
Alors oui, coach, thérapeute ou ouvrier, nous possédons tous un moteur puissant en nous , que l’on en soit conscient ou non. Ce moteur est une valeur qui supplante toutes les autres : pour certains c’est la créativité, pour d’autres l’énergie , pour les uns la liberté et pour moi l’imagination.
Quand le moteur s’enraye, le bateau prend l’eau
C’est la deuxième fois que je vis ce triste sentiment d’ impuissance face à ma vie. Un sentiment d’impuissance si puissant qu’il vient casser les ailes de mon imagination. Là où je mets du rêve normalement, depuis trois mois je mets du vide. Au début dans une inconscience consciente, une fuite faite de lassitude face aux infos tronquées mais qui me ramenait des clients. Puis peu à peu la pente devient glissante car les besoins sont mal nourris et les valeurs mal honorées.
Depuis le 7 janvier, mon imagination n’a plus d’énergie. Elle n’arrive plus à se projeter dans l’après. L’après quoi d’ailleurs… Quand ma mère était mourante, j’avais accepté cette impuissance face à la mort et mis mon imagination en berne comme un drapeau que l’on replie au lendemain d’une catastrophe nationale.
Des gestes machinaux dans une routine bien huilée. 7 ans après je retrouve cette douleur que je connais. Mon cerveau n’a plus la force d’imaginer. La réalité a dépassé mon imaginaire par une noirceur que je ne savais exister dans notre monde.
Je me suis coupée les ailes
En faisant le choix de préserver mes enfants des tests pcr et du vaccin, j’ai fait le choix de me couper les ailes parce que :
- je sais qu’il me suffira d’un « pas grand chose » (comme l’espoir de rentrer chez moi) pour que l’énergie revienne.
- m’autoriser à tomber et à pleurer me rappelle que je suis humaine
- c’est dans ses moments de noirceur que l’on sait qui restera et se tiendra à vos côtés, amicalement et qui vous jugera à l’aulne de ses propres défaillances
- c’est aussi dans ces moment là où l’on comprend la superficialité de certaines relations et la profondeur d’autres.
Et un coup de ménage ne fait jamais de mal.
Bref, oui j’ai les outils pour me maintenir à flots mais sans mon imagination, sans mon brin de folie, je ne suis pas moi mais juste un zombie alors oui j’ai les outils mais les utiliser serait vous mentir. J’ai noyé mon moteur dans trop d’optimismes, en pensant que les choses allaient reprendre un cours « normal ». J’m’a gourée.
Sans imagination, je me sens comme une coquille vide
Alors n’en déplaise aux coachs perfection au mangemerdethérapeutes qui attendent de vous ce qu’ils ne sont pas capables de faire eux mêmes : je vais mal.
Quand je n’arrive pas à imaginer autres choses que le repas cuisant dans le four, parce que je n’ai pas de date de fin de ce bordel, parce que je suis à cours d’arguments face à mes enfants qui se languissent de revoir leur nounou, leurs animaux et leurs amis. J’ai tendance à me mettre en mode off. Une espèce de catatonie hypnotique, et à prendre chaque jour l’un après l’autre sans entrain ni envie.
Bof pas très glamour tout cela. Bah ouais mais tout le monde a le droit de s’accorder une pause, un break fait de larmes et de déprime pour certains, de cris et de colères pour d’autres.
Nous avons chacun notre mode d’intégration des changements violents. Le mien passe par un temps de repli et de « rejet et de dégoût » de tout ce qui m’entoure et se met en place dans un improbable chaos. Une situation que mon don naturel exacerbe car je vois l’incohérence, la brèche, le problème et que dans la netteté des circonstances chaotiques je ne peux pas comprendre le manque de réaction qui domine. C’est ma façon de faire le plein pour affronter le grand changement final, et c’est surtout ma manière de me l’approprier.
Fuir la réalité pour vivre la douceur
Il y a une 20 ne d’années quand j’ai connu mon mari, il me racontait combien il avait été choqué par l’attitude de sa tante. Au décès de son père et donc du frère de celle ci, elle n’avait de cesse d’évoquer les voyages passés et avenir. C’était sa méthode à elle pour se détacher de la réalité : être ailleurs là où elle était bien, loin d’une réalité qui ne lui convenait pas. Alors juger l’autre, lui reprocher son malaise voire s’en servir comme excuse, en dit long sur votre propre mal-être et sur l’histoire que vous vous racontez sans y croire. Je l’ai vécu; je sais que certains d’entre vous se cachent pour ne pas montrer la faille…
La vie n’a que l’illusion que l’on aspire à lui donner, elle a la réalité des faits.
Patricia Linty
Alors à tous ceux qui vont mal mais qui n’osent pas l’exprimer, n’ayez pas honte. Ce que vous faites ne définit pas qui vous êtes. Et votre malaise d’en ce moment ne remet pas en cause vos compétences. Et votre professionnalisme.
Être porteur d’énergie n’implique pas d’être toujours à 100%. Aller mal, et le vivre pleinement c’est aussi se respecter, c’est être humain face à la période tourmentée que nous traversons.
Faire de votre déprime une opportunité
A toutes celles et ceux qui ne savent à qui s’adresser, qui ont peur de ne pas être compris , ma porte virtuelle est ouverte sans jugement. Ni malveillance. Parce qu’une oreille amicale est toujours là bienvenue quand le sol se dérobe sous nos pieds. Nous vivons tous des passages à vide, il faut en tirer profit pour faire le tri dans son entourage, comprendre pourquoi notre corps et notre esprit ont besoin de presser le bouton pause et ce qu’il y a à tirer dans cette situation sous réserve de ne pas s’y enliser.
C’est une opportunité pour identifier votre moteur, le truc qui vous porte et vous transporte. J’ai trouvé mon oreille salvatrice dans la cacophonie mondiale, une cliente et amie et surtout une grande professionnelle, qui sait faire la distinction entre l’amie que je suis et son accompagnatrice, qui sait comprendre sans mot que les maux peuvent s’installer même chez les gens forts car nous avons tous nos failles. Et que la première qualité que nous avons, c’est notre humanité, celle qui évite de mettre les gens dans des cases et d’avoir des attentes démesurées vis à vis d’eux. Merci Coulibaly-Egberts Karidja pour ton bouquet de fleurs de Bach qui m’ont fait découvrir un arbre à chat aux fruits poilus (private joke). Mon cerveau renoue progressivement avec l’envie d’écrire, l’expression la plus authentique de mon imagination. Même dans un ciel lourd, la lumière parvient à percer quand elle se sait réfléchie
Image de Engin Akyurt sur Pixabay